http://www.classmates.com/directory/public/memberprofile/list.htm?regId=8692739621Judo International: Voix du Japon par Gotaro Ogawa

Les championnats du Japon 2012 et la catégorie de poids

kamikawa  final
Kamikawa(140kg) vs Nakata (85kg), Kato(93kg) vs Ishii (135kg)

A un peu plus de deux mois avant les Jeux olympiques de Londres, les championnats de judo du Japon 2012, disputés en toutes catégories, ont eu lieu le 29 avril dans une ambiance plus passionnante que d’habitude, mais se sont terminé avec un résultat  inattendu et fort intéressant. Le champion Hirotaka Kato, 93kg, a marqué Ippon avec Sumiotoshi contre Ryuta Ishii, 135kg à la finale. Les lourds qui étaient censés être candidats pour les Jeux de Londres ont essuyé des défaites cuisantes au quart de finale ou à la demi-finale, ce qui rend difficile la sélection de notre représentant de la catégorie +100kg aux Jeux. Pourtant j’ai observé des éléments positifs.

vanqeur  champion
Vanqueur Kato contre Ishii (finale), Champion Hirotaka Kato


Dans l’ensemble, la posture des combattants était bonne; très peu de position en courbette. Avec un kumite assez solide, vingt parmi les trente-six combats ont été décidé par Ippon. Depuis l’arrivé à la tête du Kodokan et de la Fédération nationale il y a trois ans, le Président Haruki Uemura n’a cessé d’envoyer ce message aux judokas japonais :« Respectez la courtoisie, faites des kumites appropriés, tentez de gagner Ippon en appliquant les techniques rationnelles. »
Un point de regret pour moi, c’est qu’il n’y a eu que très peu de travail au sol. Je me demande si les garçons japonais s’entraînent sérieusement au newaza et peuvent combattre efficacement contre des étrangers forts. Ceci étant, le vainqueur Kato est un spécialiste au sol. Il applique souvent des techniques d’immobilisation inédites. C’est toujours intéressant de le voir travailler au sol. Cette fois il a gagné cinq combats dont deux avec Tomoenage. Il a tenté aussi ses techniques uniques au sol qui l’ont presque amené  à immobiliser ses adversaires.
Par ailleurs, on ne sent pas que la différence de poids pèse trop aux championnats du Japon. En effet, Il y a eu au total 37 participants. Les deux plus légers participants pesaient 75kg alors que le plus lourd était Daiki Kamikawa pesant 140kg. Parmi les 36 matchs qui ont eu lieu, 28 matchs étaient disputés entre deux adversaires avec plus de 10kg de différence de poids, les plus grands écarts étant de 55kg et 42kg. Or les plus légers ont battu les plus lourds dans 9 de ces 28 combats. Aux championnats que j’ai observés dans ces trois derniers années, la situation n’était pas, si je me souviens bien, très différente.
Je suis partisan de la réduction du nombre de catégories de poids aux compétitions du judo. Parce que cela rendrait le judo plus fondamental et plus intéressant. A mon avis, le système actuel avec sept catégories de poids a fait perdre un peu de dynamisme dans le judo en ce sens que l’absence de matchs entre les adversaires dont les poids sont largement différents a diminué la chance de développer des techniques efficaces contre les adversaires lourds. Sur ce sujet, il existe une différence philosophique majeure qui oppose le Japon et l’Occident. Pour les Occidentaux, les combats devraient être battus sur une base équitable, à savoir en fair-play. Les Japonais considèrent qu’il s’agit là de l’art martial, c’est-à-dire un duel: on ne peut pas choisir son adversaire pour une quelconque raison. C’est pour ça que les championnats du Japon sont disputés en toutes catégories de poids.
Dans ces derniers mois passés, j’ai soulevé cette question à plusieurs occasions auprès de mes amis judokas. Si la majorité des Japonais sont en faveur de la réduction du nombre de catégories, l’opinion était tout de même partagée. L’argument des réalistes fait que le système actuel de poids est maintenant si bien établi dans les jeux internationaux qu’il serait impossible de le réduire. D’ailleurs, selon eux, le CIO veux que les médailles soient octroyées au grand nombre d’athlètes pour la promotion des sports. Un entraîneur de l’équipe nationale fait remarquer que le judo sans catégories de poids est idéal mais en réalité un léger de 70 ou 80kg ne pourraient presque jamais gagner contre un lourd pesant plus de 100 kg, tout en ajoutant que la qualité de judo ne se dégrade  aucunement   à cause de catégories de poids. Une ancienne médaillée  rejoint cette opinion en disant que « Si le nombre de catégories avait été réduit, Ryoko Tani ou Tadahiro Nomura n’auraient pas pu gagner des médailles. » Par contre, un ancien médaillé de -73kg, quant à lui, témoigne « Moi dans ma jeunesse je faisais toujours le judo sans catégories de poids. Et je pense que ceci a beaucoup élargi la palette de mes techniques. » J’ai posé la question à mes amis judokas français en visite au Japon récemment dont le leader et quelques uns de ses collègues sont tombés  tout à fait d’accord avec ma thèse.
Vis-à-vis des arguments des réalistes, je pense ce qui suit. Je ne propose pas d’éliminer totalement les catégories de poids. Je suggère de les réduire, par exemple, au nombre de trois ou quatre. Le Judo, ou d’autres sports aussi, change ses aspects suivant les règles de jeux. Si l’on élargissait la largeur de chaque catégorie à 20 à 25 kilos, les participants s’efforceront certainement d’adapter leur capacité afin de faire face aux adversaires plus lourds tout en développant leurs techniques à cette fin. Le nombre de médailles serait quelque peu réduit. Tant pis. Mais il s’agit du choix entre la recherche de l’essence du judo et le populisme olympien. Regardez le sumo du Japon, un « léger » de 128kg parfois projette haut en l’air un lourd de 189kg avec des techniques spectaculaires. Aux derniers championnats du judo du Japon, le vainqueur Kato de 93kg a gagné successivement depuis son quart de finale contre Muneta(120kg), Momose(120kg) et au final Ishii(135kg). Kamikawa, candidat lourd pour les JO, s’est fait battre par Momose, 20kg plus léger, au quart de finale. Maître Isao Okano, champion de la catégorie mi-lourd des Jeux olympiques de Tokyo de 1964, est depuis toujours un protagoniste  de la réduction du nombre de catégories de poids.

Tout cela me permet de dire que l’on peut bien réduire le nombre de catégories pour que le judo soit plus dynamique et que les techniques soient plus variées. Au Japon on croit qu’au judo un petit peut bien vaincre un grand, ce qui est une caractéristique inhérente de notre discipline. J’espère bien que l’FIJ y pensera après Londres