http://www.classmates.com/directory/public/memberprofile/list.htm?regId=8692739621Judo International: Voix du Japon par Gotaro Ogawa

Maître Isao OKANO parle du « Judo »

okano okanor

Fin janvier, j’ai eu la chance d’avior un entretien avec Maître Isao OKANO, qui a exprimé sa pensée sur le judo d’aujourd’hui. M. OKANO est bien connu en tant que médaillé d’or des Jeux olympiques de Tokyo en 1964 dans la catégorie moyenne, vainqueur deux fois de Championnats du Japon qui se disputent sans catégories de poids, ce qui fait de lui le plus léger champion dans l’hisoire du judo japonais. Avec la victoire aux Championnats du monde en 1965 (catégorie moyenne), il est l’un de rares judokas au Japon qui ont obtenu les trois titres majeurs : JO, Japon et Monde.
Aujourd’hui il ne détient aucune fonction officielle dans les milieux du judo nippon. Pourtant son attitude de recherche inlassable du judo authentique et sa formidable technicité sont extrêment respectés de part et d’autre du pays.
A bientôt 67 ans, il est toujours actif sur le tatami en kimono. Il enseigne le judo à l’Université de Ryutsu Keizai ainsi qu’à d’autres dojos au dehors et au dedans du Japon. Il a cette véhément volonté de ne jamais admettre, selon lui, que le judo devienne factice. Voici quelques propos qu'il a tenus dans notre entretien qui, je pense, expriment l'essence-même du judo.

1. De la « marge » de judo-gi

Depuis déjà quelque temps, je vois un problème important avec les judo-gi actuels parce que ceux-ci sont trop près du corps, ils ne laissent pas assez de mou, d'espace pour travailler. A cause du manque de cette marge, on ne peut pas, par exemple, bien enrouler, bien manoeuvrer le poignet de la main qui saisit le revers de l’adversaire. Cette situation est inadmissible. Dans cette situation, on ne peut pas appliquer proprement certaines techniques de base comme seoi-nage. On ne pourra pas réaliser de vrai judo . La différence majeure entre les sports de combats tels que le sambo, le sumo, ou la lutte iranienne et le judo vient de ce que l’on met sur le corps. Et c'est cette différence qui détermine la nature de techniques.
Le Judo-gi trouve son origine dans le kimono, habit traditionnel du Japon. Le kimono est une tenue qui ne se porte pas moulante, mais flotte autour du corps. Utilisé au judo, cette distance entre le corps proprement dit et le tissu qui le couvre permet d'appliquer diverses techniques, des déséquilibres variés, des enroulements, qui permettent justement au petit combattant de vaincre le grand adversaire. C’est l’une des caractéristiques de notre discipline. Le kimono de Ju Jutsu était assez serré sur le corps, pour limiter les opportunités. Mais le judo moderne a donné de la marge à la tenue, c'est même ce qui le caractérise.
Si le judo-gi n’a pas la marge suffisante, les bonnes caractéristiques de judo se perdent et celui-ci se rapproche de la lutte. Les combats sans catégorie de poids deviendront alors inintéressants. Il faudra donc que l’arbitre vérifie avant chaque combat qu’il existe la marge de tissu nécessaire, en s’assurant qu’il peut passer la main entre le judo-gi et le corps du compétiteur.

2. L’interdiction d’attaques à la main sous la ceinture

Ne voyant pas souvent les compétitions internationales, il m’est difficile de voir de quelle manière la nouvelle règle interdisant l’attaque à la main sous la ceinture se trouve appliquée. Lorsque j’ai appris cette réforme pour la première fois, je me suis inquiété de ce que le « go-no-sen » et le contre, soient rendus difficils, ce qui réduirait, d’ailleurs, les aspects intéressants de compétitions sans catégorie de poids.
En gros, il y a deux façons de prendre go-no-sen quand l’adversaire lance une attaque. La remière, c’est de contrer. La seconde, c'est d’esquiver, en surpassant l’attaque, pour appliquer ensuite une contre-offensive avec une technique de spécialité. Je crains alors qu’à la suite de la nouvelle règle, il soit quasiment impossible d’appliquer sutemi-kouchi, kata-guruma, ou o-uchigari en saisissant une jambe de l’adversaire, et difficile également de faire sukui-nage, ou soulever les hanches pour ensuite projeter l’adversaire. Si c'était le cas, cela rendrait peu intéressant les combats sans catégorie de poids où le petit peut battre le gros. Il vaut sans doute mieux que l'on interdise seulement quelques prises spécifiquement définies.
Ceci étant, je me suis aperçu, en allant aux Etats-Unis et y observant les pratiques et les compétitions, qu’à cause de cette nouvelle règle, pas mal de judokas tendent à recourir plus souvent aux techniques fondamentales telles que uchi-mata, taï-otoshi, seoi-nage. Il est bon que le judo retourne à l’origine. Mais, d’autre part, j’ai aussi l’impression que les techniques personnelles et originales de certains combattants deviennent moins nombreuses, ce qui risquerait de simplifier les aspects de l’interaction entre offensive et contre-attaque.
Quoi qu'il en soit, j’observerai de près les évolutions dues à cette nouvelle règle .

3. A propos du Newaza

Bien entendu, le newaza est très important au judo. Pour être fort au newaza, il faut savoir comment utiliser les quatre membres et les entraîner convenablement. Pourtant, la plupart de judokas aujourd’hui oublient ce point capital.
Lors des combats récents, on voit souvent de nombreux compétiteurs se mettre à plat ventre sur le tapis comme s'ils comptaient uniquement sur les arbitres pour prononcer « mate ». Ce genre de scène symbolise pour moi la mort de newaza. Si on tourne le dos à l’adversaire, celui-ci attaquera par derrière! On perd le vrai sens du combat. Il faut se mettre sur le dos et faire face à l’adversaire. Attendre le secours d’un arbitre avec le ventre sur le tapis, ce n’est pas bon du tout ;il faut pénaliser ce genre de compétiteur pour sa passivité. Ce serait pour le rétablissement d'un bon newaza.
Dans le judo d’aujourd’hui, on est aussi en présence de problèmes d’arbitrage. Il s’agit de la tendance des arbitres à arrêter le combat au sol trop tôt parce qu’ils ne connaissent pas réellement ce qu’est le newaza. Si l’arbitre connait bien le ne-waza, il peut comprendre si le combat au sol devant lui va s’agglutiner ou pas. Il y a un peu trop d’arbitres qui ne connaissent pas ou qui n’ont pas assez d’expérience en ce qui concerne le newaza. Il serait nécessaire de ne pas laisser faire ce genre d’arbitres arbitrer.
Un petit mot encore sur l’arbitrage. On assiste à des cas trop fréquents où l’arbitre déclare « ippon » sur une projection qui ne correspond vraiment pas à la définition de l’ippon d’après la règle internationale.
Il est nécessaire d’organiser des stages et des entraînements pour les arbitres.

4. La courtoisie de M. Riner

Aux Championnats du monde à Tokyo en septembre dernier, j’ai lu dans la presse que Monsieur Riner de la France n’a pas salué à la fin du combat en finale du toutes catégories, parce que il n’était pas content de la décision par drapeaux. Je n’ai pas vu la compétition, mais si c’était le cas, ce serait un problème grave. Le judo commence avec reï et se termine avec reï, c'est ce qui le différencie d'une simple bagarre. Si on ne fait pas le reï parce ce que on est battu ou n’est pas d’accord avec le jugement, c’est égal à la bagarre et on perd l'essence même de notre discipline.
Je sais qu’en France le judo s’est développé de façon authentique. J’espère que la France ne laissera pas tomber cette affaire. Ce ne serait pas bon si les milieux du judo français ne donne pas avertissemenet à M. Riner ou ne lui donne pas de peine quelconque. Cela pourrait nuire à la réputation française, comme à celle du judo tout entier.
Le Japon pour sa part aurait du faire quelque chose. Au Japon, de nombreux petits judokas voient ces compétitions sur l’écran de télévision, et reproduisent le comportement des champions. Le projet « Judo Renaissance » préconise la courtoisie. Le Japon aurait du protester.